L'ambiguité se trouve dans le terme de "penser". Il ne s'agit pas ici de la faculté de produire un raisonnement, être doué de conscience etc ("les pensées") mais, du point de vue philosophique, d'avoir une distance critique avec l'entourage et surtout avec les sociétés humaines ("la pensée"). En fait, la philososphie accompagne chacun de nous depuis sa plus tendre enfance, un gamin qui commence à demander pourquoi commence à philosopher, c'est très simple, en réalité, et c vrai qu'en France on a le chic pour en faire une montagne. Dans certains pays on dit "morale", dans d'autres, on pose la réflexion dans toutes les matières à un moment donné, dans les dictatures, c sûr, on n'encourage pas la réflexion, la philosophie s'appelle "propagande".
Il est clair que si je me présentais devant les élèves en leur disant que j'allais leur apprendre à penser, je serais un prétentieux méprisant, cependant, je me propose (et tout enseignant, quelle que soit sa discipline, est censé faire de même) d'optimiser la pensée de mon public, l'ordonner, lui donner les moyens de s'xprimer le plus clairement possible et des pistes pour mieux comprendre la réalité, ça a l'air ambitieux, pédant même, mais à l'heure où, insidieusement, la mode, l'industrie, les médias, les gouvernements nous disent que penser et comment, il me semble que c bien d'essayer de donner un peu de cette "distance critique" aux jeunes pour qu'ils soient autre chose que des consommateurs conformisés, pensant pourtant être originaux (suprême manipulation des commerçants et soi-disants leaders culturels). Alors bien sûr comme l'école est un enseignement de masse, ça passe par des activités codifiées, des règles de vie et d'organisation de travail, mais ça n'est rien d'autre que la société en miniature. En français, on est censé donner des clefs culturelles et nationales à travers la littérature (cette grande illusion qui consiste à donner l'impression d'être citoyen par les lettres du passé et du présent), en fait j'en profite surtout pour montrer à quel point beaucoup de faits de société de maintenant ont été réfléchis et argumentés avant, il y a même longtemps, indépendamment de toute volonté politique actuelle de "citoyenniser" le jeune en lui montrant à quel beau pays de lettre il appartient (y a aucun prof de lettres un peu intelligent qui croit à ce discours-là en vérité), j'essaie de casser l'espèce d'amnésie de l'élève qui pense que le monde a été créé en même temps que lui ou que les dernières modes lancées par la télé-radio ces trois dernières années. Et puis y a de belles choses à lire, m..., tout simplement^^
Quant aux dissertations, elles ont comme point positif de justement de pousser un peu la pensée de l'élève à être plus ordonnée, claire, et comme point négatif de pointer du doigt celui ou celle qui aurait un esprit trop créatif pour rentrer dans un cadre donné. Il y en a qui n'y arrivent pas (à la dissert) par mauvaise volonté, pour ne pas rentrer dans le moule (croient-ils), et ceux-là sont même contents quand ils ont une mauvaise note parce qu'ils peuvent se placer en position de rebelle-martyre de la société oppressive, de victimes d'un prof symbole d'une société d'adultes stérilisants, et ceux qui n'y arrivent pas car leur pensée ne s'exprime pleinement qu'en roue libre, je les aime particulièrement ceux-là, malheureusement je dois les bananer car j'ai moi aussi des comptes à rendre à un système.