Très bon film, y'a pas à dire... Je l'ai encore revu quatre fois dernièrement. Il y a d'intéressants détails à analyser. Tiens, par exemple, le groupe de J-Pop s'appelle en réalité "Desert" (on le voit au poster, à la pochette du CD, et au livre qui traîne dans la chambre de Masa, vers la fin), mais lorsqu'il passe à la télé, son nom à l'écran est "Dessart" (au début du film), puis "Dessret" (vers le milieu). Or, en poussant l'analyse, on pourra trouver que Desert = Death heart / Dessart = Death art / Dessret = Death threat (threat = menace). Tout ceci tenant à appuyer la critique des médias que semble émettre Shion Sono à travers son film. C'est un peu le même principe que le message "subliminal" du poster des Desert que Mitsuko trouve dans la chambre de Masa. Les paroles des chansons du groupe ont également un rapport avec le film, donc il est important de chercher à les comprendre. Et puis plus généralement, le film traite des "connexions" que les gens ont entre eux. Par exemple, Kuroda n'avait pas de "connexion" avec son fils, et on connait le triste résultat. Mais le film semble se terminer sur une note plus joyeuse, lorsque Shibu prend la main de Mitsuko tout à la fin du film. Là encore, on a affaire à un exemple de "connexion". D'ailleurs, ce personnage de Mitsuko est très intéressant. Regardez bien la façon de jouer de l'actrice, son attitude lorsque Masa saute du toit et meurt sous ses yeux, son attitude lorsque les policiers veulent vérifier son tatouage, et bien sûr son attitude face aux jeunes enfants vers la fin. Et puis, pour en terminer avec les "connexions", on peut dire qu'il y a une symbolique forte au travers de ces cercles enroulés constitués de morceaux de chair. Déjà, le fait que ces morceaux soient reliés entre eux, et puis la forme circulaire, renvoyant directement au titre plus judicieux de ce film qu'est "Jisatsu sakuru"
Alors tentons une brève explication.
Déjà, tout le film en lui-même est une image du suicide. Le suicide est quelque chose de confus, sans véritable sens, difficile à interpréter pour les autres. Il en va de même pour le film. Belle analogie, en tout cas (vivement les deux suites).
Maintenant pour ce qui est du "Suicide Club", comme le disent les enfants au téléphone, il n'existe pas. Personne n'est responsable des suicides. Attention, car dans ce film, les enfants ne sont que des éléments symboliques, comprenons bien (la conscience dans l'innocence, l'avenir ?). Plus exactement, les gens qui se suicident le font parceque le suicide est la seule réponse qu'ils peuvent trouver à leurs questions existencielles ("suis-je lié à moi-même ?"). Bien entendu, le suicide est un acte purement individualiste, peut-être même le plus individualiste qui soit. La question qu'il faut se poser, en gros, c'est "j'ai une raison de vivre pour les autres, mais ai-je une raison de vivre pour moi-même ?". Avant que Kuroda ne se tire une balle dans la tête, les enfants lui reprochent son égoïsme, et le traitent de meurtrier, parcequ'il n'a pas su se lier à son fils pour empêcher son suicide. Sono, à travers son film, semble nous dire que toute action est négative si on ne la rend pas vraie pour soi-même. Alors, le suicide est-il l'unique solution à nos problèmes/questions ?
Il faut savoir qu'au Japon, les taux de suicide sont très élevés (environ 30 000 suicides par an depuis la fin des années 90). Et si le suicide était plus fréquent chez les personnes agées il y a quelques années de cela, le phénomène tend à toucher de plus en plus sévèrement les jeunes japonais. Cette jeunesse qui justement se replie sur elle-même, évitant les liens avec ses congénères (voir aussi le film "Kaïro" de Kiyoshi Kurosawa qui traite très bien du sujet). Plus dramatique encore, beaucoup de jeunes se rendent sur des forums de discussion (BBS) axés sur le suicide, où certains élaborent des "recettes" de suicide pour pas se louper, ou alors font des "pactes" de suicide, un aspect qu'on peut plus ou moins retrouver dans le film de Sono. Suicide Club est donc assez proche de la réalité sociale de son pays finalement, bien qu'ayant un aspect gore parfois grossier. C'est, en partie, ce qui en fait un grand film, selon moi.
Tout ceci est symbolique. Les mômes représentent l'avenir, et la génération qui sera plus tard confronté aux problèmes de société. De ce fait, leur innocence leur permet de remettre les générations futures en question. Notons qu'ils apparaissent vêtus d'un imperméable jaune lors de la "cérémonie" de découpage de peau. Or, le jaune est une couleur liée à la communication, dans le feng shui (ce n'est pas un hasard, selon moi). On voit aussi des tas de poussins sur le sol. Et justement, les poussins eux-aussi sont jaunes, et le jaune est une couleur liée également à la terre (l'élément).
Le type qui obéit à leurs ordres est, d'après le son de sa voix, une personne déjà assez vieille. Là aussi, on peut voir ça comme un symbole de cette vieille génération de japonais qui est encore la plus touchée par le suicide...