Quand on demande de citer les grands maîtres du cinéma japonais du XXème siècle, disons, classiques, automatiquement on entend "Ozu" ou "Kurosawa". Parfois, un timide "Mizoguchi", et puis bon... On passe alors à la génération suivante (Fukasazu, Imamura, Gôsha, Mizumi etc), et on laisse Naruse Mikio en plan. Pourtant, ce cinéaste est le plus pur représentant, et ptèt bien le seul finalement, de ce qu'on a appelé "le néo réalisme" juste après la guerre, en Europe, avec des gens comme Roberto Rosselini par exemple. Car chez Naruse, il n'y a pas d'humanisme comme chez Kurosawa, ou de tragique au sens grec du terme, où l'homme est victime impuissante de forces supérieures, le jeu du destin, comme ce serait le cas dans pas mal de films de Mizoguchi par exemple. Pas d'histoires de famille façon Ozu non plus. Chez Naruse, il arrive ce qui arrive à l'héroïne du repas, sorti en 1951 : une remise en cause de sa vie, à un moment, on se retrouve devant un choix (ce qui déjà est anti-tragique puisque dans la tragédie, le choix, on ne l'a pas, ou c'est un faux choix), sa vie perturbée, l'univers qui tremble soudain sur ses bases.
Pas de grandiloquence ni de mélo, un noir et blanc impeccable, mais pas sublimé par un choix esthétique impressionniste (façon Renoir) ou expressionniste (façon Lang), pas de plans complexes. Chez Naruse, la détresse se gère, comme une tâche quotidienne.
Une histoire simple : une jeune mariée quit son mari muté de Tôkyô à Oosaka, elle s'ennuie tout en s'épuisant aux tâches ménagères. L'arrivée dans la maison d'une jeune nièce du mari fugueuse va mettre le couple en danger. Il est temps pour madame de faire le point et de décider, elle seule, de la suite à donner à sa vie. Grande audace dans les années 50, qui plus est dans un pays abîmé par la guerre, physiquement et culturellement, contraint de se chercher une nouvelle direction de vie.
On pense que réalisme = chiant. Oui, lorsqu'on nous la joue réaliste aussi dans la forme, faux docu etc, mais ici, ça reste du cinéma, c'est-à-dire une mise en scène, même sans effets superflus, l'histoire tient encore sur des bases artistiques, même et y compris dans le texte : adapté d'un roman d' Hayashi Fumiko par le grand Kawabata himself, le dialogue est pur, pas verbeux, simple mais efficace, pas chiant une seconde, quoi.