Il en est coulé de l'eau sous les ponts et de l'encre sur les pages depuis un moment pour cette rubrique, et Murakami Haruki est toujours un écrivain génial (enfin lu Danse, danse, danse depuis le temps... et c vrai : quel délire parfaitement orchestré, à déguster), mais je voudrais parler vite fait de Tottochan, la petite fille à la fenêtre, de Kuroyanagi Tetsuko, écrivain, femme de télé, actrice.
Tottochan, petite fille distraite, débordante d'énergie et de curiosité, toujours en mouvement (aujourd'hui on dirait "hyper-active"), ne s'adapte pas à l'école "ordinaire" et est admise au sein du Groupe Scolaire Tomoe, une école très particulère, dans le Tôkyô de l'immédiat avant-guerre. Tomoe, c'est une école de rêve : les salles de classe sont d'anciens wagons de chemin de fer retapés, il y a une piscine dans le terrain autour d'eux, l'après-midi, on se balade ou on se baigne, on mange tous ensemble dans un bruit autorisé, encouragé même, ce sont des classes de 10, on s'assiet où on veut dans les salles de classe, on campe sous la tente dans la salle commune, on écrit à la craie sur le plancher de la salle de musique etc. Un rêve d'école aussi : voulue, concue, dirigée par un homme qui comprenait les enfants comme personne. C'est le portrait de cet homme en creux derrière le récit de ces années magiques d'enfance bientôt pourries par la guerre. On est tenté de ne rien croire de tant de chaleur humaine, d'intelligence, de sensibilité, d'inventivité. Et pourtant tout est rigoureusement authentique. Tottochan, c'est Tetsuko elle-même, une "enfant de Tomoe", qui raconte très simplement, mais avec beaucoup de sensibilité, de délicatesse, ses trois premières années d'école élémentaire, et ses expériences dans cette école Tomoe si magnifiquement particulière (et qui fut bombardée pendant la guerre, il n'en est rien resté). Moi qui suis prof je me suis pris une grande claque pédagogique en pleine tronche^^ Certains chapitres vous font rire, d'autres vous amènent les larmes aux yeux, c'est magnifique. Ce livre existe depuis un moment (1981) mais il vient à peine d'être traduit en France, donc il n'est pas en poche, par conséquent un peu chérot, je trouve.
Mais un régal.