Auteur Sujet: kiru (tuer) / kenki (la lame diabolique)  (Lu 1325 fois)

sadako

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  • je vous ai à l'oeil ^^
kiru (tuer) / kenki (la lame diabolique)
« le: 17 juillet 2006 à 11:02:27 »
Misumi Kenji était un noble artisan du cinéma japonais, particulièrement du chambara. Moins baroque que Gosha, moins expressionniste que Kurosawa, il savait trouver des plans simples et purs qui permettaient une lisibilité absolue du récit. Ces deux films, kiru et kenki, pas très longs mais intenses, se regardent en miroir l'un de l'autre car ils s'éclairent mutuellement (sans que l'un soit une suite de l'autre, mais plutôt une sorte de variation et onpeut bien sûr les voir indépendamment l'un de l'autre) et mènent la réflexion sur le sabre, clé de voûte de la société féodale japonaise, comme l'épée en Occident. Misumi a toujours donné une dimension sociale à ses films de sabre, à l'instar des grands réalisateurs de ce type de films, qui n'est pas seulement du spectacle et des combats, alors qu'aujourd'hui la tendance est plutôt à en mettre plein les yeux et c tout, mais aussi une réflexion engagée, un propos sur la violence des relations, les disparités sociales, la valeur d'un homme dans un groupe, l"engagement des actions vers le bien ou le mal, le devoir...
Là où Misumi, dans ces films faisant partie de ce qu'on appelle la trilogie du sabre (le troisième, ken, se passe à une autre époque), est sombre, voire désespéré, c'est que le sabre n'est pas (ou pas seulement) cet instrument de conquête sociale ou de pouvoir que l'on croit ; il obéit à sa seule vocation qui est de détruire, et d'abord celui qui le possède, perte de sa liberté : son destin est, dès lors qu'il tient le sabre, inextricablement lié à celui-ci. Les deux "héros" de ces films se ressemblent : enfants illégitimes aux origines obscures, sans patrimoine, sans héritage, voués au mépris, ils se jettent à corps perdu dans la voie du sabre, la fameuse voie du sabre tant magnifiée par les samouraï et les écrivains mais qui n'est qu'une voie sans d'autre issue que la destruction. Dans ce sens, Misumi fait une critique sévère de l'esprit samouraï, du bushido, montre l'imposture tragique qu'est une vie vouée entièrement au sabre. Un mythe cruel et prevers. Dans kenki, le sabre utilisé par le "heros" est maudit, mais le personnage choisit de le prendre quand même, cependant il avait commencé à tuer avant de prendre ce sabre, ayant compris que seul le sabre le ferait sortir de sa misérable condition sociale, mais à quel prix... Le "héros" de kiru n'est pas mieux loti, un bretteur hors-pair, redouté par tous, mais incapable de sauver ceux qu'il aime, une course en avant vers l'auto-destruction.
Misumi, qui a par ailleurs réalisé des épisodes de la série Zatoïchi au ciné puis à la télé, finira par se laisser aller à un pessimisme et un nihilisme encore plus noirs en réalisant la fameuse série Baby cart pour la télé dans les 70s. Une grande claque aux poncifs sur la voie du sabre, l'honneur des guerriers, la valeur d'un homme au combat etc. Dans ce sens, je pense que, même issu des 60s, kiru et kenki sont modernes : ils piétinent les valeurs traditionnelles guerrières en montrant leur aspect barbare, inique. Bref, on l'aura compris : à voir^^

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kiru (tuer) / kenki (la lame diabolique)
« le: 17 juillet 2006 à 11:02:27 »