Grant Morrison fait partie de cette vague de scénaristes britanniques (il est écossais) qui avait sauvé le comics américian du marasme créatif et commercial dans les 90s et qui depuis semble durablement installée dans ceux-ci (Warren Ellis, Garth Ennis, Alan Moore, Mark Millar etc). Son oeuvre est irrégulière, du n'importe quoi grandiloquent (New X-men chez Marvel, All Stars Superman chez DC...) au coup de génie pur (Invisibles chez Vertigo, quelques épisodes de JLA chez DC...). Sa puissance de délire ne s'affirme à plein que dans des structures éditoriales lui permettant une liberté totale (Vertigo chez DC par exemple) car avant tout c'est un formidable brouilleur de tête, mêlant philosophie, politique, sexe, culture populaire (comics, rock, ciné...), social, sciences. A l'instar de ses collègues britanniques, il se distingue aussi par un sens du dialoque qui tue et des propos à tiroirs, double sens et compagnie. Tout ça on le trouve dans the filth, sa série en 13 épisodes chez Vertigo publiée chez nous par Paninicomics. C'est du Morrison à marée haute, au sommet de son art, que l'on retrouve là. Toutes ses obsessions sont rassemblées dans cette histoire : réalités truquées, populations conditionnées, sociétés secrètes, anarchisme, sexualités débridées, univers métaphoriques, contrôle des esprits, dérives scientifiques, puissance des médias etc etc. Impossible à résumer, donc. Essayons ^^ : l'univers est surveillé par les agents d'une organisation ultra-secrète, la Main, qui se trouve dans les égoûts de celui-ci et qui est chargé de nettoyer la réalité de menaces pouvant remettre en question son équilibre. L'un de ces agents devient de plus en plus rétif quant à son boulot. Résumé bien pauvre, en réalité ça part dans tous les sens tout en étant parfaitement maîtrisé, les 13 épisodes se répondent l'un l'autre, on pense au chef-d'oeuvre d'Alan Moore : Watchmen, déjà une histoire de contrôle.
Sur le plan graphique, Chris Weston synthétise à lui seul les styles des dessinateurs ayant auparavant travaillé avec Morrison : Frank Quitely, Phil Jimenez, Ethan Van Sciever par exemple. C'est étonnant. On y retrouve en plus, dans ses dessins, des réminiscences de grands vétérans : Paul Gulacy, Sal Buscema par exemple. En un mot : excellent.
La mise en couleurs, riche et psychédélique, convient à merveille au style de Morrison.
Bref : je trouve the filth impeccable.