Auteur Sujet: Cure de Kiyoshi Kurosawa  (Lu 4259 fois)

Nezumi

  • Kohai
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Cure de Kiyoshi Kurosawa
« le: 22 octobre 2004 à 20:33:14 »
Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
Année : 1997
Durée : 1H55
Casting : Koji Yakusho, Masato Hagiwara, Tsuyoshi Ujiki, Anna Nakagawa, Yoriko Doguchi


Synopsis :
Au Japon, une série de meurtres particulièrement violents laisse la police perplexe. Les victimes ont les deux jugulaires tranchées par un couteau, dont la marque forme un X. A chaque fois, les assassins sont retrouvés sur les lieux du crime en état de grande confusion mentale et semblent n’avoir aucun motif susceptible d’expliquer leur geste. L’inspecteur Takabe, chargé de l’enquête, est bientôt sur la piste d’un jeune homme énigmatique, frappé d’amnésie et pratiquant l’hypnose...


Critique :
Réalisateur prolifique s'il en est, comptant déjà à son actif plus d'une vingtaine de films en autant d'années de carrière, Kiyoshi Kurosawa (qui, rappelons-le, n'a aucun lien de parenté avec son illustre homonyme Akira) ne gagna cependant la reconnaissance du public à un niveau international qu'en 1997 avec la sortie de Cure, son premier film véritablement ambitieux, permettant par ailleurs au cinéaste nippon de se faire une place de choix parmi les réalisateurs de la nouvelle génération du cinéma japonais, tels que Shinji Aoyama ou Hideo Nakata (pour lequel il réalisa par ailleurs la vidéo maudite de Sadako qu'on voit dans le film Ring). Le cinéma développé par Kurosawa, que ce soit dans Cure ou plus tard avec Charisma (1999) et Kaïro (2001), deux autres de ses films ayant connu un certain succès critique, traite de l'Homme et des changements profonds mais selon lui nécessaires qui doivent s'opérer s'il veut survivre. Par le biais d'obsessions métaphysiques, de doutes identitaires et existentiels, de flirts poussés avec le surnaturel et l'au-delà, de malaises profonds générés par les grandes métropoles urbaines, des ambiances de fin du monde, de l'étrangeté des situations distillant très efficacement l'inquiétude et l'angoisse, les films de Kiyoshi Kurosawa dérangent, parce qu'ils parlent de solitude et de mort à travers des images d'une sombre et étonnante beauté plastique, dans un style parfois très contemplatif, à la limite de l'immobilisme, plongeant le spectateur dans une sorte de fatalité irrévocable. Les personnages dans les films de Kurosawa évoluent assez souvent dans un cadre quasi-désert et vide de présence humaine (immeuble à l'abandon, entrepôt désaffecté...) où ils se retrouvent face à leurs peurs et leurs angoisses. On peut également énoncer le talent de scénariste visionnaire qui anime Kurosawa, dont les oeuvres appellent à une réflexion métaphysique élaborée sur les dangers de déshumanisation du Japon d'aujourd'hui, paradoxalement à l'ère de la communication de masse.

Avec Cure, Kurosawa nous fait l'offrande d'un thriller qui peut paraître classique de prime abord, avec une trame initiale proche des films hollywoodiens traitant de serial-killers, tels que Seven de David Fincher, pour en citer le meilleur exemple. Le film débute ainsi par des crimes assez sanglants perpétrés par des proches des victimes, ces derniers tombant aussitôt dans un état amnésique qui ne facilite en rien la tâche des policiers qui enquêtent, à l'image de Takabe (incarné par Koji Yakusho qui est l'acteur fétiche de Kiyoshi Kurosawa), qui doit en plus de cela s'affranchir du mal-être né de la culpabilité qui l'obsède, concernant sa femme atteinte elle-aussi de troubles de la mémoire. Les victimes de ces assassinats se voient affublées d'une profonde écorchure en forme de croix (ou de "X"), tranchant par ailleurs les malheureux au niveau de leurs jugulaires, et qui pourra symboliser l'anonymat du bourreau.
Très vite, le scénario gagne en densité grâce à quelques dialogues entre Takabe et son ami psychiatre Sakuma, traitant avec justesse du comportement d'un meurtrier et de ce qui peut animer chez chez ce dernier l'envie de tuer. Mais ce n'est qu'avec l'apparition effective de Mamiya que le film réussit à se démarquer complètement des autres productions d'un genre similaire. Avec ce personnage, Kurosawa donne à son film toute sa symbolique et la notion de thriller psychologique prend alors tout son sens, avec même une once de fantastique pour parachever ce tableau déjà fort prometteur.
Mamiya (joué par Masato Hagiwara) apparait pour la première fois dans le film, sur une plage et frappé d'amnésie, comme pour illustrer une légende qui veut que le peuple japonais soit né de la mer. Mamiya semble fuir la lumière comme s'il ne voulait pas sortir de l'obscurité dans laquelle son esprit est plongé. En croisant d'autres personnes sur son chemin, il révèle en eux le criminel potentiel qui les habite, grâce à des talents hypnotiques qui n'ont rien à envier au magnétisme du Dr. Lecter, chacun pouvant, par le biais de cette technique, révéler un désir de meurtre enfoui au fin fond de sa conscience. Plus tard, Takabe élargira encore son champ d'investigation en découvrant les fondements du mesmérisme datant du 19ème siècle pour tenter de comprendre la méthode employée par Mamiya, ce qui n'est pas sans renouveler l'intérêt de l'intrigue de façon intelligente.

L'amnésie dont est frappé Mamiya, le privant de mémoire et le contraignant à vivre dans un présent sans fin, peut être vu comme une métaphore du Japon contemporain qui tente d'oublier le traumatisme d'Hiroshima, donnant ainsi plus du sens au titre du film "Cure", mais ce dernier étant très sombre, c'est plutôt la contamination qui guette les protagonistes face à cet homme-virus, ce qui a pour effet d'annihiler tout semblant d'espoir.
La rencontre entre le présumé suspect et Takabe se solde par des interrogatoires musclés, faisant ressortir toute la colère de l'enquêteur quasi-névrosé face au calme et à la sérénité imperturbables de Mamiya. Cette grande différence de caractère symbolise aussi l'éternel combat du bien contre le mal, et on peut retrouver cette notion de dualité dans le couple que forme Takabe et Fumie (homme/femme) ainsi que dans les éléments dont se sert Mamiya afin d'hypnotiser les gens, à savoir le feu obtenu avec son briquet, et l'eau. Plus précisément, tout ceci fait référence au Yin et au Yang dont est grandement empreinte la culture asiatique, en tant que concept fondamental de cette dernière.
Le film présente une gestuelle du corps spécifique à la souffrance physique et morale, qui se caractérise par une palette très diverse de mouvements corporels. Ainsi les acteurs portent leurs mains sur leurs front, se tordent de douleurs, s'agenouillent ou encore frappent les murs par désarrois. A ce sentiment de malaise visuel vient s'ajouter un fond sonore non musical mais constitué de sons et divers bruitages qui ont pour vocation de déranger le spectateur et qui renforcent un peu plus encore l'aspect urbain du film.
Il est intéressant de noter également la façon dont Kurosawa ménage l'intérêt de son film de façon croissante, notamment dans la présentation des crimes, qu'on voit tout d'abord de façon très concise, puis on assiste à leur préparation, pour finir par disposer de tous les éléments nécessaires à la compréhension et au mécanisme de cet aspect important du film. Intéressant également de constater que parmi les victimes de Mamiya on compte un employé modèle, un instituteur, un policier, un médecin et un psychiatre, qui représentent donc cinq fondements institutionnels à partir desquels s'élabore, s'organise et fonctionne une société (le travail, l'éducation, la loi, la santé et l'inconscient). Le fait que Mamiya touche jusqu'à l'inconscient même de cette société achève d'imposer l'idée de dysfonctionnement et d'un dérèglement irréversible.

Cure est donc bien plus qu'un simple thriller, c'est surtout un postulat profondément ancré dans la réalité japonaise de ces dernières années. Tout comme Mamiya, le film répond aux questions qu'on se pose en nous en retournant de nouvelles, appartenant ainsi à cette catégorie d'oeuvres cinématographiques qui poussent le spectateur à une réflexion d'ordre morale et philosophique. Kiyoshi Kurosawa évite ainsi de tomber dans la facilité qui serait de vouloir rationaliser tous les éléments mystérieux de son film au risque de lui enlever son côté fantastique. L'ambiguïté est de mise, donc, avec quelques ficelles propres au cinéma fantastique, mais sans jamais tomber dans l'excès, juste pour amener à la conclusion que dans Cure, il n'y a finalement pas de remède possible.

"Tout ce que j'avais autrefois à l'intérieur de moi est maintenant en dehors...
Alors je peux voir tout ce que vous avez à l'intérieur de vous...
En échange, je suis moi-même plein de vide..."

sadako

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Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #1 le: 23 octobre 2004 à 22:59:24 »
Ah c bien tu as su formuler des choses que j'avais senties dans le film sans vraiment penser à les glauser, merci ^^

souben

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Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #2 le: 03 novembre 2004 à 13:28:13 »
Brillante critique tout y est. Très belle proueusse pour avoir su extraire et explique les symbôles qu'il y a dans le film.

Je me lasse jamais de voir et revoir ce film, car à chaque visionnage on découvre toujours un petit quelquechose de plus.

Mais outre la réalisation et le jeu des acteurs qui est un régal, le scénario surtout est complexe et novateur, c'est une histoire jamais vu à Hollywood, permettant de plonger le spectateur directement dans l'histoire.
De plus même à la fin on ne sait pas pourquoi ni comment Mamiya est devenu amnésique et ce qu'il est devenu ....

Sinon, le DVD est en vente il me semble, il est produit par MK2 :wink:

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Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #2 le: 03 novembre 2004 à 13:28:13 »

ShinKéké

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #3 le: 17 septembre 2007 à 09:12:01 »
Ah en voilà un film qui est bon ^^

Une très grosse claque, d'ailleurs Cure a contribué au renouveau de l'horreur en Asie. (dans l'esthétique et dans la psychologie)
Koji Yakusho y est une fois de plus impérial...

C'est un film complètement déroutant... dans le genre thriller on fait pas mieux (seven est bien mais c'est différent, je le mettrai à égalité sur le podium). Quelques bonnes sueurs froides... On excuseras volontiers les longueurs qui feront fuir les problockbuster ricains car elles contribuent à la réussite de ce film.

La fin est de bonne facture, vu qu'on s'imagine des tas de trucs.

A voir!!!

sadako

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #4 le: 17 septembre 2007 à 10:20:57 »
Et puis ça permet de revenir sur cette personnalité bizarroîde qu'était Meismer.

ShinKéké

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #5 le: 17 septembre 2007 à 19:05:25 »
C'est clair c'est presque aussi bizarre que la "fille de ring" tiens
http://sinn3.hp.infoseek.co.jp/mihune-tizuko.htm y parait qu'il y a sa tombe ^^ (moi je la trouve pas ^^, vu que je parle un mot de jap) je suis sur que tu te feras une joie de la chercher ^^

D'ailleurs on rappellera jamais assez que Sadako à bel est bien existé ^^ niark niark elle qu'elle faisait bien de la photopsychokynese ^^ (l'art de projetter une image mentale sur une pellicule ^^)

 :diablotin: :demoniaque: :diablotin:

XPDR. (yen a qui vont verifier lol) (yen a d'autres qui vont pas dormir ce soir ^^)

Sinon il est pas précisé que Mesmer est français dans Cure? J'ai souvenir d'une déclaration de ce type... (alors qu'il est allemand)


sadako

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #6 le: 17 septembre 2007 à 20:46:20 »
Il était allemand mais avait vécu en France où il avait bossé pour Louis XVI.

Le personnage de la maman de Sadako est inspiré d'une certaine Mifune Chizuko qui aurait eu un don de voyance et s'est jetée dans un volcan au début du XXème siècle. C tout ce que je sais. Sadako j'ai un doute (même si ta page en lien parle d'une Mifune Kakuko (ou Tadzuko)) surtout si on a lu la trilogie romanesque de base et que l'on découvre ce qu'est réellement le monde dans lequel elle évolue et sa nature véritable.


ShinKéké

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #7 le: 17 septembre 2007 à 21:36:51 »
Si si je t'assure ^^ j'ai un article dans un bouquin qui en parle (le spirou special japon pour ne pas le citer ^^, pas l'album, le "guide")
http://www.webotaku.com/galerie_news.php?image=/images/actualites/6200-6299/6299/02.jpg
Pour ce qui est de mon lien j'en sais rien je parle pas jap, et les kanjis s'affichent pas pour mon ordi mais il parait qu'elle y est.

Il y a un volet sur le paranormal qui est assez intéressant... Si tu veux plus d'infos ^^ soit tu achete le guide soit je copie le texte ^^ (je préfererai la première option par flemme lol)
« Modifié: 17 septembre 2007 à 21:37:27 par ShinKéké »

sadako

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #8 le: 18 septembre 2007 à 05:33:03 »
J'ai eu ce guide en main... c du surf sur la vague japanmania et rien d'autre de bien intéressant, pour moi, avec des dessins que j'ai trouvés bof donc j'ai ptèt pas tout bien lu comme il fallait en détail parce que ça m'a gonflé vite, mea culpa je reviendrai dessus, sois rassuré : je respecte ta flemme (^___^)

Les kanji ne s'affichent pas sur ton ordi parce que tu n'as pas paramétré ton IME peut-être ?


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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #9 le: 18 septembre 2007 à 17:51:41 »
A quoi bon les avoirs ^^?? je les piges pas de toute manières lol...

L'album était moyen ok... mais le guide bien que light est bien sympa...
Sinon cette info se trouve ailleurs... donc l'info est fiable.

sadako

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #10 le: 18 septembre 2007 à 21:38:34 »
Oui, ben merci du tuyau, je vais voir ça ^^

"A quoi bon les avoirs ^^?? je les piges pas de toute manières lol..."--> Ben au début je me disais la même chose, mais ça me gonflait quand même parce que même si on ne les comprend pas, les kanji et la kana c beau ! ^^ (et le codage en coréen est très sympa aussi, et en arabe aussi, bref : une écriture, c toujours beau, en tout cas toujours plus beau que ces salades composées de caractères qui les remplacent quand l'IME n'est pas installé^^)

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Re : Cure de Kiyoshi Kurosawa
« Réponse #10 le: 18 septembre 2007 à 21:38:34 »